Un objet glissé sur le visage, entre accessoire et sculpture, entre masque et outil d’optique.
À peine perceptible dans la pénombre d’une salle, il cadre le regard, isole le spectateur, l’éloigne de ses voisins pour mieux le rapprocher du plateau.
Là, il n’est plus une foule. Il devient un œil singulier, un corps attentif, un point fixe dans la masse mouvante.

J’ai pensé cet objet comme une tentative de désolidariser l’expérience théâtrale du collectif imposé.
Dans la salle obscure, les rires contaminent, les silences se peuplent de gêne, les émotions se devinent, se mesurent, se jugent.
À travers ce dispositif, j’invite à une présence individuelle, presque secrète, à une attention recentrée sur soi et sur l’autre.

L’objet épouse la courbe du visage, s’adapte, se démonte, se glisse dans une poche.
Il se fabrique à partir d’un scan, se décline pour lunettes, se réinvente à chaque usage.
Comme une lunette d’opéra contemporaine, ou un masque de bal silencieux, il donne forme à un regard augmenté.
Un regard qui zoome, qui cible, qui s’oublie dans l’observation.

Le performeur, lui, ne peut l’ignorer. Ces visages parsemés de cadres étranges deviennent autant de mini-scènes, autant de présences renforcées.
Le spectateur, encadré, mis en lumière, devient lui-même fragment de la représentation.
Un jeu trouble s’installe, fait de reflets, de frontières brouillées, d’un théâtre où celui qui regarde est aussi vu.